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René-Yvon Ferland, le fantôme du Palais

Jean-Philippe Rousseau 2

Dans l’épisode 8 de la deuxième saison de “Sur ta rue”, nous vous avons parlé d’un certain René-Yvon Ferland, criminel qui avait défrayé la chronique au début des années 70.

Sa carrière criminelle (connue) fut d’ailleurs assez courte (de 1967 à 1973), mais n’en demeure pas moins très intense, au point qu’on s’est demandé (et que l’on se demande encore), comment cela se fait qu’il a été presque totalement oublié, contrairement à des Richard Blass et autres Jean-Paul Mercier.

Il faut dire que René-Yvon Ferland, a tout pour susciter l’intérêt des passionnés de True Crime : il aime les coups d’éclats, il a fait (et tenté) plusieurs évasions, il semble aimer prendre des risques et enfin, il est très difficile de savoir ce qu’il est devenu. Un vrai mystère.

L’attaque du camion de la Brink’s

C’est le 1er avril 1967, que le jeune René-Yvon Ferland (il avait 22 ans), fait parler de lui la première fois dans les journaux. Et que fait Ferland à 22 ans ? Et bien, il attaque un camion de la Brink’s avec l’aide de deux complices, sur le boulevard Monk à Ville-Émard.

Mal préparé, le hold up sera un échec, mais plusieurs coups de feu sont tout de même tirés. Le chauffeur du camion dira même en cour, que Ferland aurait tenté de l’atteindre à travers le pare-brise. Ça lui vaudra d’ailleurs une condamnation à 14 ans de pénitencier, pour tentative de meurtre.

La Presse – 3 avril 1967 (source : BAnQ)

L’évasion du fourgon cellulaire

Deux ans plus tard, le 16 octobre 1969, au coin Lajeunesse et Sauriol à Montréal, un fourgon cellulaire qui transportait des détenus de la prison de Bordeaux, est intercepté par quatre individus en voiture. Neuf prisonniers s’évadent. Parmi eux, René-Yvon Ferland et un certain Richard Blass.

Blass et plusieurs autres prisonniers seront repris après seulement quelques heures de recherches, pas Ferland. Ferland lui, restera au large.

Le hold up de la Place Drummond

Douglas Lyons – La Tribune – 29 décembre 1970 (Source : BAnQ)

Le 16 février 1970 à 9h20, quatre individus cagoulés et lourdement armés, font irruption dans la succursale de la Banque Canadienne Nationale de la Place Drummond à Drummondville. Les bandits parviennent à s’emparer d’un butin d’environ 52,000$ et prennent aussitôt la fuite à bord d’une camionnette. Parmi eux se trouve René-Yvon Ferland.

Cependant, ils ne parviendront pas à quitter le stationnement de la Place Drummond, puisqu’ils heurtent un véhicule de la ville, qui attendait aux feux de signalisation.

C’est à ce moment-là qu’une première auto-patrouille arrive sur les lieux. S’ensuit une fusillade, lors de laquelle un agent de la sûreté municipale est fauché par quatre balles de mitrailleuse. Il aura tout de même le temps de tirer en direction des bandits et parviendra même à en blesser un au bras. Cet agent, c’est Douglas Lyons. Un personnage admirable qui à mis sa vie en danger, afin d’empêcher la fuite de dangereux criminels. Il restera paraplégique pour le restant de ses jours.

Profitant du chaos donc, deux des bandits parviendront à s’enfuir avec l’auto-patrouille, avant de changer de véhicule par la suite. Dans leur fuite, ils vont abandonner une partie de leur arsenal (mitrailleuses, armes de poing et des carabines à canon tronçonnés), ils vont laisser aussi une grosse part de l’argent volé, ainsi que deux de leurs complices, Paul April et Michel Marinello, qui seront arrêtés sur place par la police de Drummondville.

La Tribune – 17 février 1970 (source : BAnQ)

Juste après le hold up, de nombreux barrages ont été établis dans les alentours, mais n’ont pas permis d’arrêter les deux fuyards. Encore une fois, Ferland passe au travers des mailles du filet.

Ferland est finalement arrêté… à Montréal

Plus d’un mois après les faits, le 18 mars 1970, René-Yvon Ferland est arrêté, non pas par la police de Drummondville, mais par les services de police de Montréal à Saint-Léonard et transféré ensuite à la Sûreté du Québec. On se souvient qu’il était recherché depuis son évasion du 16 octobre 1969. 

Très rapidement, on relie Ferland au hold up de la Place Drummond. En effet, il a été clairement identifié par une dizaine de témoins. 

Lors de son arrestation, la police met la main sur un véritable arsenal, composé d’armes à feu, de dynamite, de masques à gaz ainsi que d’équipement pour effectuer des cambriolages.

Lors de son procès pour le hold up de la Place Drummond, Ferland sera condamné à la prison à vie. Mais cela ne s’arrêtera pas là.

René-Yvon Ferland et Georges Lemay

Entre-temps, Ferland ne chôme pas. Quand il n’est pas question de braquage ou d’évasion, Ferland distribue les coups. Ainsi, dans la cour de la prison, Ferland frappe un certain Georges Lemay.

Il faut dire que du haut de ses 25 ans, Ferland n’a vraiment pas froid aux yeux, puisque Georges Lemay était un criminel notoire, connu pour avoir réalisé l’un des plus gros braquages de banque de l’histoire du pays. Il est aussi soupçonné d’avoir tué sa femme lors d’un séjour en Floride, Huguette Daoust, sœur de Raymond Daoust, célèbre avocat criminaliste et fondateur du journal “Photo Police”. Autant dire que René-Yvon Ferland, n’était pas du genre à être impressionné par quiconque. 

Tentative d’évasion à la fausse dynamite

Le 21 mars 1972, Ferland sera pris avec un faux bâton de dynamite et un détonateur, alors qu’il doit se rendre au tribunal. Il avait prévu d’exhiber cette dynamite en pleine cour, afin de pouvoir prendre la fuite.

La Presse – 21 mars 1972 (source : BAnQ)

Le fantôme du Palais de justice

Malgré tout, le 12 décembre 1973, René-Yvon Ferland parvient à ses fins. Alors qu’il se trouve au Palais de Justice de Montréal, il bouscule les gardiens, sort une arme qu’il avait, semble-t-il, dissimulé dans son pantalon et prend la fuite dans un des taxis qui attendaient à l’extérieur. Il se fait déposer au magasin La Baie de la rue Saint-Catherine et disparaît en y entrant par les portes-tournantes. 

Il sera d’ailleurs le tout premier prisonnier à s’évader du nouveau Palais de justice, qui avait été inauguré deux ans plus tôt. 

La Presse – 12 décembre 1973 (source : BAnQ)

L’énigme Ferland

On ne reverra jamais plus René-Yvon Ferland. 

Des rumeurs indiquent qu’il se serait installé dans la région de New York et qu’il aurait fait partie d’une organisation criminelle. Ensuite, on pense qu’il aurait été tout simplement liquidé. Mais cela ne repose sur aucune donnée objective donc, toutes les hypothèses restent permises.

Il faut dire également, que Ferland semble avoir une certaine facilité à changer de physionomie. Ce qui nous a frappé, par exemple, c’est de voir à quel point Ferland semble différent sur les clichés photographiques que l’on a à disposition. Et n’oublions pas ici, que l’on parle d’une période relativement courte : de 1967 à 1973 tout au plus.

Montage de différentes photographies de René-Yvon Ferland

D’ailleurs, la confusion existe aussi au niveau de son prénom. Tantôt René, tantôt René-Yvon, un peu plus rarement “Yvon” tout court, si ce n’était certainement du fait d’erreurs dans les médias de l’époque, on pourrait presque croire qu’il entretenait lui-même cette confusion. Qui sait ?

Cependant, compte-tenu du personnage, de son attirance pour les vols spectaculaires, il est difficile de croire qu’il aurait pu rester vivant bien longtemps, sans avoir une seule fois fait parler de lui, que cela soit ici, ou chez nos voisins du sud. Ferland semble être le genre de personne accro à l’adrénaline, je l’imagine mal en train de faire les mots-croisés du New York Post, en buvant une tisane dans un chalet à Albany. 

Finalement, René-Yvon Ferland aura été comme l’anguille qui nous glisse entre les doigts, qui se faufile et disparaît entre les roches de la rivière.

Recherches : Annie Richard et Jean-Philippe Rousseau

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